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Afin de présenter une version pluraliste de la manif du 14 juin à Paris, nous joignons ci-dessous un article publié par le journal Médiapart. Certains aspects dont la manifestation des autonomes méritent une attention d’autant plus particulière qu’elle sert de prétexte pour justifier une éventuelle interdiction des manifestations. Ce type d’attitude qui a pour principal objet d’éviter toute discussion sérieuse, n’est pas sans rappeler certaines pratiques de basse police tant en France que dans d’autre pays dont en Espagne sous Franco et ses successeurs, comme Valls doit le savoir et en Grande Bretagne par Thatcher pour casser les mineurs et les syndicats.

Face à cette situation, notre modeste ARIEGE COMMUNISTE a réuni des communistes ariégeoises et ariégeois pour l’analyser et envisager des alternatives. Le compte rendu non exhaustif suit.

Nous souhaitons qu’il puisse inviter à la réflexion et contribuer à une expression à la fois collective et respectueuse de la diversité, afin d’établir un état de la situation locale et des avis de la population, pouvant être intégré dans une démarche nationale.

Nous remercions par avance tous ceux qui voudront bien retransmettre ce texte à leurs contacts et relations. Les personnes qui souhaiteraient le commenter et recevoir nos informations sont invitées à nous faire parvenir leur adresse électronique.

QUELQUES AVIS D’ARIEGEOISES ET ARIEGEOISES SUR LA SITUATION SUIVIS DU TEXTE DE MEDIAPART.

En premier lieu il a été constaté que le texte de Médiapart donne une version fort différente de celles présentées par les grands médias, sans parler de celles du Gouvernement. La concentration des attaques sur la CGT et son secrétaire, alors que 7 syndicats sont dans l’action et que le nouveau Secrétaire de la CFE-CGC vient d’exprimer l’opposition de son syndicat à la loi travail, que partagent la majorité des français, présente toute les apparences d’une tentative de diversion sous la forme d’une provocation irresponsable dans le contexte.

Cette attitude s’ajoute aux mesures prises par le gouvernement depuis l’élection de Hollande qui mettent en danger l’exercice de la Démocratie dans notre pays. Après s’être fait élire en prétendant vouloir s’attaquer au pouvoir sans limite de la finance contrôlée par les 1% de la population mondiale ayant des avoirs équivalents à ceux des 99% des autres habitants de la planète et sont en voie de les dépasser, il s’est mis à leur service. De tels comportements constituent une insulte grave à l’égard des électeurs qui lui ont accordé leur confiance et participe amplement au discrédit dont souffrent aujourd’hui la politique et les élus. Il peuvent aussi légitimement conduire à se demander s’ils ne cherchent pas à provoquer délibérément de graves affrontements.

La composition de l’équipe qui l’entoure avec entre autres, Jouyet précédemment au service de Fillon, aujourd’hui de Hollande, cherchez la différence, Macron, non élu passé de la banque Rothschild à la direction de l’économie du pays, attribuant l’incompréhension de ses propositions à l’illettrisme des ouvrières et ouvriers, mais dont la parfaite connaissance et la maitrise des circuits et milieux financiers qui lui sont prêtés, ne l’ont pas conduit à formuler des appréciations d’un tel niveau à l’égard des délinquants économiques et financiers qui sévissent au niveau international, dont apparemment il n’a pas contrarié les activités.

Sous diverses apparences, il semblerait que certains s’emploient à dresser une partie de la population contre l’autre, ce qui est d’une extrême gravité. Comme l’ont constaté nombre d’économistes, y compris favorables à la loi travail, celle-ci va permettre aux 1% d’augmenter leurs profits au détriment des 99% et des salariés en général. Pour ce faire il suffira que quelques entreprises avec le concours de quelques syndicalistes ou assimilés, «complaisants» -ça existe-, pour accepter la baisse des rémunérations et de la protection sociale pour conduire l’ensemble du secteur d’activité concerné à s’aligner au nom de la compétitivité, sous peine de suppression d’emplois. Même la majorité des dirigeants d’entreprises n’étant pas d’accord, seront économiquement contraints à se soumettre, ce qui les rendra toujours plus dépendants des intérêts des 1%. Il en va de même par rapport aux retraités et personnes âgées, qui «profiteraient» du travail des autres, pour justifier le blocage, voire la diminution des pensions et retraites, les coupes sombres dans les budgets de la santé publique, de la protection sociale et des services publics en général. Par contre le satisfaction de la voracité sans limite des 1% ne subit le même traitement bien au contraire. Quant aux jeunes, c’est sans doute pour leur éviter de mauvaises pensées, qu’ils sont «mis dans l’ambiance» dès leur entrée dans le travail,

L’on nous parle continuellement des abus de la protection sociale, des fainéants des services publics et autres attitudes justifiant leur réduction voire leur disparition. L’on nous fait même part des excès et déséquilibres dont importance est sans commune mesure, résultant des multiples dispositions telles que les optimisations fiscales dont bénéficient les multinationales, toutefois l’on omet en général de préciser qu’elles résultent de lois et règlements promulguées par nombre de gouvernements dont celui de la France. Il en va de même pour le blanchiment d’argent, d’énormes sommes en constante progression, dont une proportion toujours plus importante provient de l’économie criminelle et s’investissent dans l’économie «normale», qu’elles influencent, tant au niveau des modes de gestion que par leur poids économique et l’incidence sur le choix des investissements. Chacun est à même de constater que si les mesures de régression sociale s’appliquent effectivement, alors que le monde n’a jamais produit autant de richesses, il n’en va de même pour la grande délinquance financière. Le «sauvetage» des banques auquel a participé Sarkozy en 2008, soit disant pour éviter que les citoyens, par ailleurs largement sollicités pour rembourser l’ardoise, ne perdent leurs avoirs, a surtout permis de compenser et au-delà, la disparition d’un nombre astronomique de milliards dans une gigantesque escroquerie de dimension planétaire, dont les principaux bénéficiaires ne sont toujours pas identifiés? Dans la récente affaire de Panama, qui témoigne d’un niveau pour le moins inquiétant de décomposition de nos sociétés, un certain nombre d’intervenants, dont des banquiers ont par contre été identifiés, apparemment ils ont été excusés, alors que la saisie d’une modeste partie des biens mal acquis, permettrait de résorber dettes et déficits.

Dans ce contexte, l’on peut regretter que le débat pour la prochaine élection présidentielle se situe essentiellement par rapport à des hommes plus ou moins providentiels ou grandes gueule. Ne devrait-il pas être précédé notamment par des dispositions permettant de démettre et punir ceux qui comme Hollande ont délibérément abusé les électeurs, portant ainsi un grave préjudice à la Démocratie et créant des oppositions et affrontements qui ne cesseront de s’aggraver? Concernant les programmes, l’on assiste depuis plusieurs années, au «détricotage» silencieux des acquis sociaux de plusieurs générations. Entre de multiples cas, est-il normal que les mesures adoptées par le Conseils National de le Résistance, prises alors que la France sortait de la guerre, prévoyant en matière de santé que chacun ait accès aux mêmes soins de qualité, quels que soient ses revenus, son âge et son lieu de résidence, soient subrepticement remises en cause? Pourquoi dans le même temps le «marché» de la santé a t’il été ouvert aux assurances comme le demandait un certain Denis Kessler, grand ami de Strauss Kahn et ponte de multinationales de l’assurance dont une partie de l’activité est domicilié aux iles Bahamas ? Pourquoi Sarkozy comme Hollande et leurs gouvernements tout en se présentant comme des chevaliers blancs, n’ont-ils pris que des mesures symboliques à l’encontre de la grande délinquance financière, de la corruption et de l’économie criminelle. Pourquoi participent ils au transfert aux 1% via des traités et règlements souvent quasi clandestins, la gestion d’une proportion toujours plus importante de l’économie mondiale et ce faisant de l’avenir de l’humanité ? Pourquoi tolèrent ils qu’ils puissent contrôler l’essentiel des grands moyens d’information et accepter au nom du respect du secret des affaires, des lois dissimulant leurs agissements? Etc.

Les évolutions économiques et sociales, les interventions militaires partout dans le monde, de moins en moins destinées à la défense du pays et de ses citoyens, toujours plus largement soumises aux intérêts des 1% via les groupes multinationaux, les provocations et menaces proférées par leurs Kollaborateurs et relais politiques sont particulièrement inquiétantes. Il en va de même par rapport à la multiplication des conflits armés dits locaux et des tensions à l’origine desquels plusieurs de nos dirigeants ont participé et dont notre pays commence à subir les prolongements. Par ailleurs la concentration des capacités de recherche aux mains de quelques groupes privés, conjuguée à l’ampleur des investissements militaires peut avoir de terribles résultats, tout en privant une grande partie de l’humanité des bienfaits que pourrait lui procurer une coopération mondiale destinée à développer les recherches, sciences et techniques dans le domaine civil.

Au-delà des risques de guerre, des affrontements et de leurs conséquences potentielles pour les populations et des tensions sociales, cette forme de mondialisation entièrement fondée sur la recherche du maximum possible de profits, induit une organisation des territoires visant à permettre aux multinationales de toujours mieux contrôler les ressources de la planète et d’organiser le monde autour de centres de profit leur appartenant. Ce processus entraine une accentuation des déséquilibres territoriaux et aboutit à la marginalisation continuelle de territoires tels que l’Ariège, réduisant dans le même temps les capacités de l’ensemble du pays à valoriser et développer ses potentialités dans un cadre prenant en compte la qualité de vie, de l’environnement naturel et le progrès social partagé.

Interrompre le processus infernal engagé et les menaces qu’il porte, suppose une « mise à plat » assortie d’une réflexion sérieuse sur les alternatives.

A cet effet l’organisation d’ Etats Généraux parait correspondre à la situation et aux objectifs, à condition qu’elle soit engagée au niveau des départements. Celui-ci est le mieux adapté pour intégrer une dimension économique conséquente, dans une démarche favorisant une large participation citoyenne, en premier lieu par secteurs d’activité et territoires de vie, puis synthèse et éventuelles concertations entre départements partageant certaines spécificités, avant transfert au régional et au national.

Qu’en pensez-vous ?

MEDIAPART/ Contre la loi travail, la plus grande des manifs 14 juin 2016 | Par Rachida El Azzouzi, christophe Gueugneau et Mathilde Goanec

Contrairement au discours du gouvernement sur l'essoufflement du mouvement social, la manifestation du mardi 14 juin n'a pas été le baroud d’honneur d’une CGT marginalisée. C’est au contraire la plus forte mobilisation depuis le début du mouvement. Le devenir de la loi El Khomri se repose avec acuité.

Vu du ciel, le pari est largement gagné. Un cortège serré et bruyant a traversé Paris de la place d’Italie aux Invalides mardi, rassemblant des centaines de milliers de personnes pour cette première journée de manifestation nationale depuis le début du mouvement contre la loi El Khomri. Selon les syndicats FO, CGT et Solidaires, plus d’un million de personnes ont défilé dans la capitale (1,3 million dans toute la France), alors que la préfecture de police de Paris a dénombré 75 000 personnes. Quelle que soit l’échelle retenue, c'est beaucoup plus que lors des grosses journées des 9 et 31 mars derniers.

Au ras du sol, tout dépend de l’optique choisie. Le gouvernement n’a pas tergiversé, insistant longuement sur les vitrines endommagées ou taguées tout au long du boulevard Montparnasse, les abris de bus défoncés, et les affrontements entre les forces de police et le gros cortège autonome en tête. Plusieurs policiers et manifestants ont été blessés. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a même, à ce propos, allègrement mélangé les genres en appelant « tous ceux qui sont dans la violence à retrouver un peu d'humanité, de tolérance, en respect de ce petit enfant auquel nous nous devons de donner une image digne de la France » en référence au double meurtre de policiers dans la nuit revendiqué par l’État islamique.

Le cortège n’en était pas moins, pour une très large part, calme et bon enfant, concentré sur le retrait de la loi sur le travail, dont le texte est arrivé lundi 13 juin au Sénat. Partis à 13 heures de la place d’Italie, une partie des manifestants n’étaient pas encore arrivés à Invalides à 19 heures. « C’est énorme, j’ai rarement vu ça », assure David, cheminot venu de Bordeaux. Le fait que le gouvernement ait lâché du lest sur la convention relative au statut de sa profession n’entame pas sa détermination. « On peut dire ce que l’on veut, mais nous sommes dans le mouvement depuis le mois de mars. Et même si on a obtenu une convention collective de haut niveau, on sait bien que la loi El Khomri peut signifier pour nous aussi la régression sociale. ». David a fait le déplacement à Paris et il n’est pas le seul. Les portuaires et dockers du Havre électrisent le parcours avec leurs tambours, un Breton fend la foule avec son drapeau noir et blanc et une pancarte agrafée à son sac à dos : « Cazeneuve à Rennes, ni oubli ni pardon ». Sur un camion, une jeune femme crie : « On ne s’est pas levé à une heure du matin pour rien ! On est à Paris, retrait de la loi travail ! »

Les délégations régionales ou départementales, arrivées en bus ou en train, expliquent la forte mobilisation du jour. Beaucoup de militants, surtout CGT, racontent que leur dernier déplacement dans la capitale remonte à 2010, à l’occasion du mouvement contre la réforme des retraites. Derrière la banderole CGT-Roanne, ils sont 200, explique Franck. « On est là et bien là. Cela fait trois mois que le gouvernement dit que le mouvement s'essouffle, mais c’est de l’enfumage. » Noël, syndiqué FO venu d’Aveyron, est parti à 3 h 30 du matin pour monter dans un car puis un train. « Je suis saisonnier, et ne travaille que 9 mois par an, mais je fais quand même 27 heures supplémentaires par mois. Pour le moment, elles sont majorées à 25 %, mais si on m’enlève ça, je serai encore plus précaire qu’aujourd’hui. »

Chacun sa vision du mouvement : bataille pour des acquis ou combat pour la survie. Pierre l’avoue bien volontiers : « À dix ans de la retraite, je me bats pour mes enfants, et pour conserver quelques protections. » « Petit cadre » dans la filiale d’un grand groupe œuvrant dans le domaine de la défense, il n’est pas syndiqué, est monté dans un bus CGT grâce à un copain, expérimente pour la première fois de sa vie une manifestation parisienne. « Ici, c’est anonyme, je peux me permettre. Chez moi, vu ma boîte, et même si je suis civil, ce n’est pas possible. »

Guillaume Brante, délégué syndical CGT pour le site Haribo d’Uzès, distribue à tout-va des tracts appelant à signer la pétition contre la délocalisation de la ligne chamallows en Belgique, ainsi que des sachets de bonbons multicolores. « FO et la CFE ont lancé une consultation sur le plan de compétitivité que la société nous propose, et qui prévoit quand même 110 suppressions de postes alors que notre entreprise ne s’est jamais aussi bien portée. Il a été approuvé à 63 % grâce au chantage à l’emploi. Pour le moment, la CGT est majoritaire, donc on peut quand même refuser l’accord mais si la loi El Khomri passe, c’est fini. Pour nous, c’est très concret ce qui se passe aujourd’hui. »

Révision de la majoration des heures supplémentaires, possibilité d’accords offensifs sur l’emploi, réforme du licenciement économique, possibilité de référendum, les raisons de la grogne sont toujours aussi nombreuses. Des inspecteurs du travail, présents dans le cortège, pointent le risque d’une « focalisation sur l’article 2 », au cœur des tractations depuis l’arrivée du texte au parlement. « C’est un piège, souligne Yacin, qui travaille en Ile-de-France. Certains tentent de dire que si cet article est réécrit, le texte devient acceptable, mais pour ceux qui pratiquent le droit du travail tous les jours, il est évident qu’une série d’autres articles posent problème. »

« Ce serait quand même une sacrée victoire », note de son côté Fernand Gonzalez, ancien membre de la fédération métallurgie où œuvrait anciennement Philippe Martinez, et actuellement au bureau de l’Union départementale CGT du Lot-et-Garonne. « Mais faut pas se faire de cinéma, les enseignants sont bientôt en vacances, il va falloir tenir pendant l’été, c’est assez inédit. »

Dans le carré de tête, les leaders syndicaux sont assez réticents à dévoiler leur jeu, et l’étendue de la négociation à l’œuvre avec la ministre du travail, sous l’ombre portée de Matignon et de l’Élysée. Pour Philippe Martinez, l'objectif de la CGT « n'est pas simplement de supprimer l'article 2 de la loi, c'est toute la colonne vertébrale du texte qui est à revoir ». La CGT doit rencontrer le gouvernement vendredi. Mais le syndicat a déjà prévu deux nouvelles dates de manifestations, « au cas où », les 23 et 28 juin.

À deux pas, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, appelle lui aussi à poursuivre le mouvement même s’il a rencontré vendredi la ministre du travail Myriam El Khomri, et l'a trouvée « attentive » à ses propositions. « Est-ce une amorce ou est-ce de la com' ? Je crois qu'elle a compris que tout le monde peut sortir par le haut de ce dossier. » FO est-elle donc prête à négocier, et à cesser le mouvement contre une réécriture de l'article 2 de la loi ? Éric Beynel, chez Solidaires, assure de son côté qu’il n’y a pas de « hiatus » dans le front syndical : « L’intersyndicale reste soudée, la journée d’aujourd’hui est très belle et le mot d’ordre reste le retrait. Après, chacun sa stratégie. »

Loin des tractations de coulisses, et tout à l’avant, dans ce qu’il convient d’appeler la tête du cortège, la manifestation a également fait le plein. Selon un bon connaisseur de ce type de manifestations, c’est sans doute « l’une des plus grosses manifestations d’autonomes de ces trente dernières années ». Ce qui est sûr, c’est que le nombre de personnes portant coupe-vent, capuche noir et lunettes de soleil ou masque de plongée a atteint un niveau jamais observé ces trois derniers mois. Les deux heures suivantes, jusqu’à l’arrivée place des Invalides, ne sera qu’un lent piétinement, alternant charges, lacrymogènes, jets de pierre, vitrines brisées et tags sur les murs, ce qui ralentit tout le reste du cortège et lui donne son rythme. Les 300 « casseurs » infiltrés que dénonce régulièrement le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve sont aujourd’hui au moins 1.000.

Avant même que la manifestation ne s’ébranle, la foule stationnée était déjà repoussée à plus de 200 mètres de la place d’Italie, au niveau de la station de métro Gobelins, boulevard du Port Royal. Comme chaque fois, la banderole « Soyons ingouvernables » servait de point de ralliement. Et comme chaque fois, des syndicalistes, comme des cheminots CGT ou des militants à SUD étaient parmi la foule. On dénombrait également les Jeunes écologistes, ou encore la CNT et Alternative libertaire. Un phénix de carton monté sur un caddie était « rené » de ses cendres, après avoir été brûlé lors de la manifestation du 1er Mai.

L’ambiance est motivée, les chants variés. Le cortège s’est élancé peu après 13 heures. La fête ne sera que de courte durée. Si la présence policière est plutôt discrète au début, à chaque croisement, les forces de l’ordre qui sont là pour empêcher la manifestation de dévier de sa trajectoire sont l’objet de jets de pierre, de pétards, voire de feux d’artifice. Très vite, la police, aidée de la gendarmerie, réplique. Le cortège est stoppé dès 14 heures. Des gendarmes bloquent l'avancée du cortège. © CG

On entend parler allemand, italien, sous les cagoules, quand d'autres slogans revendiquent l’appartenance à une région comme Toulouse, Clermont-Ferrand – apparemment en force –, ou encore Rennes et Nantes. Comme les fois précédentes, il n’y a absolument aucune désolidarisation dans ce cortège de tête. Quand les visages masqués entament un « Et tout le monde déteste la police !», l’ensemble des personnes présentes reprennent en chœur. La violence du gouvernement et de ses policiers depuis le début du conflit social a vraisemblablement marqué les esprits.

Philippe et Pascale, masques sur le visage, ont marché vite. Sans s’en rendre compte. Les voilà dans le quartier Duroc, boulevard du Montparnasse, « dans le merdier », à quelques dizaines de mètres du face-à-face entre les CRS et les autonomes sous les nuages de lacrymogènes. Le cortège ne peut plus avancer. Les yeux piquent, la colère aussi. « Le gouvernement a gagné. Voilà la CGT assimilée aux casseurs. Les images vont tourner en boucle. Uniquement celles-ci, pas les manifestants pacifiques qui revendiquent le retrait de la loi El Khomri pour de justes raisons », s’énerve Philippe.

Philippe a 58 ans, plus de 25 ans d’ancienneté dans un grand groupe dont il préfère taire le nom et un salaire qui dépasse à peine le Smic, 1.450 euros net. Il est ouvrier, venu de Rennes, une ville rompue aux violences policières depuis le début du mouvement contre la réforme du code du travail. Il a fait toutes les manifestations, sept jours de grève, soit plus de 500 euros en moins. « Mais cela vaut le coup de se battre ; je le fais pour les jeunes car moi, j’aurai une petite retraite mais vous, vous n’aurez rien », lance-t-il en nous prenant à partie.

Syndicaliste depuis une quinzaine d’années à la CGT – un coup d’arrêt à sa carrière, selon lui –, Philippe dit que « le problème, c’est l’Europe qui nous gouverne et qui fait que les patrons nous voient comme des charges et non comme des plus-values ».

Tandis que le cortège reprend sa marche pour quelques minutes de répit avant une nouvelle charge des CRS qui fera reculer la foule en l’arrosant de gaz, il raconte qu’il vote Front national, que « ce n’est pas incompatible avec son engagement syndical à la CGT ». « On peut être catho et à la CGT, pourquoi ne serait-on pas au FN et à la CGT ? » renchérit sa compagne Pascale, elle aussi encartée à la CGT. « Marine Le Pen n’aurait jamais fait une telle réforme. Avec elle, il n’y aurait pas eu cet article 2 sur l’inversion de la hiérarchie des normes », jure-t-elle. Le couple, des déçus du « socialisme », vote extrême droite depuis une dizaine d’années, « pas par adhésion mais par colère ». « On n’est pas d’accord avec tout ce que dit le FN mais tout de même, il dit des vérités sur l’Europe, l’assistanat », appuie Philippe. Au travail, il est complètement « démotivé » : « Les salaires n’augmentent pas. Un jeune qui rentre gagne quasiment autant que moi au bout de 25 ans d’ancienneté. »

Non loin de là, une colère, physique celle-ci, s’exprime. Le long du boulevard du Montparnasse, les vitrines de banques, d’agences immobilières, des magasins de luxe ou même des chaînes de fast-food sont systématiquement attaqués. Au croisement avec le boulevard Raspail, un homme s’écroule, touché au dos vraisemblablement par une grenade non explosée.

Selon L’Obs, qui a recueilli un témoignage de photographe présent au moment des faits, l’homme d’une quarantaine d’années « s'est pris une grosse bombe lacrymo dans le dos, une grosse bombe grise. (…) Il était debout au milieu de la rue, seul, quand les forces de l'ordre ont tiré. L'homme est tombé au sol, sur le ventre, inanimé. (…) La bombe lacrymo était enfoncée dans son dos, elle a fait un trou de 5 centimètres de diamètre ». Toujours selon ce témoin, la bombe « a continué à se consumer et à faire de la fumée, elle a fait fondre son t-shirt ». L’homme a été évacué par les pompiers. Rien n’avait filtré sur son état en début de soirée.

Trois jeunes cagoulés s’immiscent dans le Starbucks aux vitrines explosées et ressortent avec des mugs aux couleurs de l’enseigne américaine. Un vieux routier des luttes de la CGT, descendu du Pas-de-Calais, les interpelle : « Vous n’avez pas honte ? Vous êtes venus pour ça ? Nous, on est là pour défendre le code du travail ! » Il n’a pas le temps de finir qu’il doit se réfugier derrière la porte cochère d’un bel immeuble haussmannien. Nouvelle charge violente des CRS qui fait remonter la foule. Il ne s’y était pas préparé et manque de s’écrouler. Dans le hall, une dame en tailleur filtre les entrées et ne laisse passer que « les manifestants qui lui inspirent confiance ». Elle annonce une mauvaise nouvelle à un homme d’une cinquantaine d’années en chemise blanche et pantalon noir : « Ils ont brisé la vitrine de ton commerce ! » Il veut sortir, elle le lui déconseille, « c’est trop dangereux ».

Dehors, des explosions se font entendre. Des grenades. Une dame, d’une cinquantaine d’années, commissaire aux comptes qui connaît bien le monde de l’entreprise, se dit « atterrée devant tant de violences », dénonce « une CGT radicalisée, arc-boutée sur des privilèges d’un autre temps ». Elle allait chercher des médicaments quand elle s’est retrouvée au milieu des manifestants. Un débat s’instaure dans le hall d’immeuble entre pro et opposants de la loi El Khomri et c’est le commerçant qui a le dernier mot : « Ce pays est impossible à réformer », avant de braver la foule et les gaz pour rejoindre sa boutique aux vitres brisées et appeler son assurance.

Quelques mètres plus loin, c’est un autre hall d’immeuble qui est rempli de manifestants. Ici, personne ne filtre les entrées, les portes sont grandes ouvertes. Des “street medics” y soignent des blessés, un journaliste, une étudiante. D’autres s’échangent du sérum physiologique, des gouttes d’huiles essentielles, des masques d’hôpital. Une brune, la cinquantaine, se réjouit devant tant de solidarité : « Ça me rappelle Mai 68. »

Lqa grande affaire de la journée sera sans doute les vitrines brisées d’un bâtiment de l’hôpital Necker, situé sur le parcours de la manifestation. Des manifestants cagoulés ont mis des coups de marteau dans certaines baies vitrées, un tag a été rajouté, indiquant « Ne travaillez jamais ». Il n’en a pas fallu plus pour que la classe politique réagisse et que l’AP-HP annonce déposer plainte. Sur les réseaux sociaux, certains tentent un rapprochement saugrenu, expliquant que l’enfant du couple policier tué dans la nuit par un terroriste en banlieue y était soigné.

L’arrivée place des Invalides, destination finale de la manifestation, se passe sans heurts dès lors que les policiers se sont retirés de quelques centaines de mètres. Des gens s’assoient sur les pelouses, d’autres appellent leurs amis dispersés dans la foule. Le répit n’est que de courte durée. Alors que quelques policiers casqués sont pris à partie, d’autres se déploient, un camion lance-eau en appui. Des grenades lacrymogènes volent sur la foule éparpillée, alors même qu’une large partie du cortège n’est pas encore arrivée. Un groupe de cégétistes, venu de Toulon, panique, ne sachant plus comment quitter la place.

Les minutes passent sans que la situation ne s’améliore. Aux jets de grenades lacrymogènes et autres grenades assourdissantes répondent des jets de pierre et des slogans contre la police. Un photographe quitte en boîtant un des affrontements. Des “street-medics” portent un homme qui vient de prendre un tir de LBD (nouveau Flash-Ball) dans l’abdomen. Un deuxième camion lance-eau arrive sur la place, déversant la moitié de son contenu.

Une brèche s’ouvre vers les quais, des manifestants s’y engouffrent et gagnent le pont des Invalides avant que les policiers ne changent d’avis et nassent ce qu’il reste de manifestants. Des « Libérez nos camarades » retentissent cependant qu’une partie de ceux qui ont pu sortir lancent des appels à marcher vers les Champs-Élysées, ou vers l’Élysée, ou vers le Sénat. En fait, personne ne sait vraiment où aller. Les groupes se disloquent peu à peu. Des syndicalistes de la CGT ou de SUD regagnent leurs cars qui se trouvaient de ce côté de la Seine. Vers 19 heures, il ne restait plus grand monde dans le quartier.

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