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8)Du 15 au 16 novembre 1937, échec du coup d’état fomenté par la Cagoule

Le projet planifié par l’OSARN est assez simple :

  1. faire croire aux généraux amis que les communistes prévoit un putsch pour la nuit du 15 au 16 novembre.
  2. provoquer un coup d’état militaire ce soir-là pour protéger la France contre cette action des communistes
  3. lancer dans le même temps les bataillons de la Cagoule à l’assaut des bâtiments abritant le pouvoir en se présentant comme défenseurs de la patrie face aux rouges.

Selon Pierre Péan ( Le Mystérieux Docteur Martin, p. 140), Deloncle avait rencontré dès novembre 1936 le général Henri Giraud qui avait promis son aide en cas de soulèvement communiste ; les cagoulards se rangeraient sous ses ordres en échange. Très satisfait, Giraud « est évidemment d’accord pour travailler avec les gens de l’OSARN et souhaite la meilleure réussite à l’entreprise de Deloncle et Duseigneur »

Début novembre 37, les généraux Georges, Dufieux et Jeannel sont dans la confidence concernant le coup d’état projeté par les communistes. D’autres liens sont assurés.

Dans la nuit du 15 au 16 novembre, toutes les forces de l’OSARN sont à leurs postes de combat pour s’emparer de l’Elysée, de Matignon, des ministères, des points stratégiques de la capitale… D’autres groupes disposent de l’adresse, parfois même des plans des appartements de personnalités à arrêter ou exécuter.

Tout ce beau monde attend l’ordre d’Eugène Deloncle. Les minutes passent ; les heures passent. Et Eugène Deloncle ne donne pas l’ordre attendu. En l’absence de tout action des militaires, la Cagoule n’a effectivement pas les moyens de renverser la république dirigée par le Front populaire. D’autres cagoulards comme Filliol poussent cette nuit-là à lancer l’opération sans l’armée… mais Deloncle ne donne toujours pas l’ordre attendu. Au petit matin, les milliers de conspirateurs rentrent chez eux.

Durant la semaine suivante, la police (dirigée par l’actif ministre de l’intérieur Marc Dormoy) découvre une partie de l’opération projetée.

La revue Le Monde2 apporte des informations intéressantes concernant l’armement de la Cagoule ainsi découvert :

« A chaque brigade correspondait un dépôt d’armes sans compter les trois dépôts centraux.

« A Paris, on a découvert au total 7740 grenades, 34 mitrailleuses, 195 fusils Schmeisser, 85 fusils Beretta, 148 fusils de chasse, 300938 cartouches, 166 kilos d’explosifs. La plupart de ces armes étaient entreposées dans des caves où des maçonneries secrètes avaient été pratiquées, grâce aux moyens financiers d’origine inconnue dont disposait le CSAR (autre nom de l’OSARN). Au 37 de la rue Ribera par exemple, sous une pension de famille, un déclic faisait pivoter une paroi pour découvrir un poste de commandement capitonné de carton insonore, muni d’un téléphone clandestin.

« En banlieue, on trouva des dépôts à Annet-sur-Marne, Limeil-Brévannes, Villemomble, et dans l’Aisne à Attilly. En dehors des armes classiques, la Cagoule disposait d’engins explosifs à retardement et de portemines lançant des liquides aveuglants. »

Ces armes provenaient de cambriolages dans les casernes et surtout d’importations étrangères de Suisse, d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne (fusils Schmeissel) et surtout de Belgique.

Mais la guerre approche et le procès de la Cagoule n’aura en fait jamais lieu réellement. D’importantes caches d’armes seront découvertes ici et là, par exemple dans le château de Saint-Vincent-le-Paluel, brûlé en 44 par les Allemands, où les Cagoulards avaient entreposé, avec l’accord du prince de Croÿ, dans le souterrain, un stock considérable d’armes.

9) Quelques acteurs de la Cagoule et leur devenir

• EUGENE DELONCLE était, comme nous l’avons vu le chef incontesté des cagoulards. Sa culture antirépublicaine virulente l’amenait naturellement vers le fascisme. En 1940, il rejoint l’amiral Darlan, regroupe d’anciens cagoulards, crée le Mouvement social révolutionnaire pour la Révolution nationale, puis participe au Rassemblement National Populaire de Déat.

Il est assassiné en janvier 1944. Son fils Louis, dirigera la branche espagnole de L’Oréal.

• JEAN FILLIOL se vante comme les précédents d’être un chrétien pratiquant militant. Fils d’un sergent de carrière comme Deloncle est le fils d’un officier de marine. Professionnellement, il s’insère comme cadre commercial chez Hachette. Le 6 février 1934, c’est lui qui dirige la charge des Camelots du Roi vers l’Assemblée nationale. En février 36, son groupe tente d’assassiner Blum qui est blessé. C’est encore lui qui assassine Navachine de sa baïonnette qu’il avait raccourcie pour plus de facilité. C’est probablement encore lui qui réussit la provocation du cinéma de Clichy. C’est encore lui qui assassine les frères Rosselli. C’est encore lui qui dirige l’opération de Toussus le Noble détruisant les avions destinés à l’Espagne républicaine. C’est encore lui qui fait sauter les deux immeubles du Patronat en 1937. Après l’échec du coup d’état de la cagoule, il passe en Espagne aux côtés des franquistes.

Début 1941, Filliol revient en France pour participer au MSR avec ses vieux amis cagoulards les Eugène, Deloncle et Schueller. Il s’active dans la sinistre Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme, est affecté par son ami Joseph DARNAND à la Franc-garde de la Milice au début de 1944 dans le Limousin avant de prendre la tête du sinistre deuxième bureau de la Milice (renseignement, interrogatoires, torture…) à Limoges. Son service sera impliqué dans le choix d’Oradour sur Glane comme village martyr, brûlé avec ses habitants. Lorsque le régime pétainiste s’effondre et que les armées alliées atteignent le Rhin, Filliol continue encore à monter des maquis blancs pro-hitlériens en France depuis l’Allemagne. Comme les miliciens français qui forment la dernière défense du bunker de Hitler, Filliol lutte jusqu’au bout. D’Allemagne, il réussit à rejoindre Darnand dans le Nord de l’Italie pour combattre la Résistance italienne. En 45, tous ses compagnons sont fait prisonniers ; malgré sa blessure assez grave, il traverse le Midi puis les Pyrénées pour atteindre l’Espagne où Schueller en fait son sous-directeur de L’Oréal. Il finira sa vie dans la péninsule ibérique où Franco le protège de trois condamnations à mort.

• Eugène SCHUELLER. Né le 20 Mars 1881. Créateur d’un groupe capitaliste comprenant : l’Oréal, Monsavon, les vernis Valentine et le shampoing Dop, il lance plusieurs journaux et revues. Financeur principal de la Cagoule, il continue à travailler politiquement dans le milieu pétainiste avec Eugène Deloncle et d’autres cagoulards en 1940. C’est ainsi qu’il est un des fondateurs du fasciste et collaborationniste MSR, avec le soutien de l’ambassadeur du Reich, Otto Abetz, et l’approbation personnelle du chef de la Gestapo, Reinhardt Heydrich. Les réunions de la direction du MSR se tiennent au siège de L’Oréal (14, rue Royale à Paris).

Le 22 juin 1941, le Reich attaque l’Union soviétique. Deloncle et Schueller décident de créer la Légion des volontaires français (LVF) pour combattre le bolchévisme sur le front de l’Est et de la placer sous l’autorité de Jacques Corrèze. Tous ses membres prêtent serment d’allégeance au führer.

Grâce au témoignage d’André Bettencourt et de François Mitterrand, Eugène Schueller est relaxé à la Libération au motif qu’il aurait aussi été résistant. L’Oréal devient le refuge des vieux amis. André Bettencourt rejoint la direction du groupe. Avec l’aide de l’Opus Dei, Henri Deloncle (frère d’Eugène) développe L’Oréal-Espagne où il emploie Jean Filliol. Quant à Jacques Corrèze, il devient patron de l’Oréal-États-Unis. En 1950, André Bettencourt épouse Liliane, la fille unique d’Eugène Schueller.

• JOSEPH DARNAND, militant d’Action Française depuis 1923, président du comité directeur de ses anciens combattants puis responsable de la Cagoule pour le Sud-ouest de la France. Arrêté en 1938, il bénéficie d’un non-lieu. En 1940, il prend la direction de la Légion française des combattants sur Nice et fait partie comme Deloncle, Mèténier, Martin et autres cagoulards des organisateurs des Groupes de Protection. Il fonde sur les Alpes Maritimes le premier Service d’Ordre Légionnaire. lorsque le SOL est étendu à toute la France, Darnand en prend la direction à Vichy.

Le 30 janvier 1943, le SOL devient la Milice, toujours sous les ordres réels de Darnand. Ses services sont fort appréciés des nazis ; en août 1943, il est nommé SS-Frw-Obersturmführer (lieutenant) de la Waffen-SS. Le 30 décembre 1943, à la demande des Allemands, il est nommé par Pétain « secrétaire-général au maintien de l’ordre » sur toute la France. Comptant environ 35000 hommes, la Milice va perpétrer un grand nombre de crimes qu’il serait trop long de rappeler ici. Darnand combat en Allemagne dans la division SS Charlemagne puis en Italie contre les Résistants. Arrêté par les Britanniques, il sera fusillé le 10 octobre 1945.

• Henri MARTIN, dit le DOCTEUR MARTIN. Né en 1895. Médecin à la Salpétrière, longtemps actif dans l’Action française (secrétaire général adjoint pour la région parisienne), conseiller de Henri Dorgères dirigeant du mouvement paysan fascisant des « chemises vertes”, nous avons déjà signalé son rôle éminent à la tête du service de renseignements de la Cagoule. Après le coup d’état projeté de novembre 37, il s’enfuit pour l’Italie avant d’être grâcié par le radical Daladier qui le nomme capitaine médecin. En 1940, il entre dans les pétainistes Groupes de Protection avec Mètenier. En cavale lors du procès de la cagoule en 1948, il participe dans les années 1950 au réseau clandestin Grand O contre la 4ème République aux côtés des généraux Lionel-Max Chassin et Paul Cherrière. Il est un des instigateurs du premier putsch d’Alger. Recherché pour sa participation à la « Semaine des barricades » à Alger en janvier 1960, puis pour son rôle dans le Putsch des Généraux du 23 avril 1961, proche de l’OAS, il est arrêté puis condamné à 10 ans de travaux forcés. Il est le père de Danièle Martin mariée à Pierre de Villemarest.

• ANDRE BETTENCOURT n’a que 17 ans en 1936. Après la défaite de 1940, il devient le patron français de la PropagandaStaffel, placé sous la triple tutelle du ministre de la propagande, Joseph Goebbels, de la Wehrmacht et de la Gestapo… De1940 à 1942 il dirige l’hebdomadaire collaborationniste La Terre Française où il laisse libre cours à son antisémitisme “Pour l’éternité leur race est souillée”. A Vichy, il partage son bureau avec Jean Ousset, le responsable du mouvement de jeunesse de la Légion française des combattants de Joseph Darnand.

Fin 1942, André Bettencourt est envoyé par Eugène Schueller « aryaniser » la société Nestlé en Suisse, dont le patron de L’Oréal est devenu l’un des actionnaires principaux. A la Libération, il reçoit la Croix de guerre 1939-1945, la rosette de la Résistance et la Croix de chevalier de la Légion d’honneur alors qu’aucune preuve réelle ne prouve son action en ce sens. Son bureau Rue Saint Dominique de la PropagandaStaffel devient une résidence de l’Opus Dei. Il crée le Journal agricole, pour les anciens lecteurs du pétainiste La Terre française. Devenu Indépendant et Paysan comme beaucoup d’anciens pétainistes il sera plusieurs fois député et ministre sous les 4ème et 5ème République. Marié avec la fille d’Eugène Schueller qui devient Liliane Bettencourt, plus grande fortune française.

• JEAN DEGANS, deviendra le responsable national du deuxième service (renseignement, interrogatoires…) de la Milice et sera le supérieur hiérarchique de Paul Touvier. Directeur des renseignements généraux, il travaille main dans la main avec la Gestapo. Il porte la responsabilité de l’assassinat de Jean Zay puis combattra jusqu’au bout en 1945, menant des actions de sabotage. Bénéficiant de protections diverses, à ma connaissance, il échappera à toutes les recherches.

 

 

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